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ÉDITO : Parce que je m’aime…

ÉDITO : Parce que je m’aime…

Que pensez-vous du titre de mon édito? Vous êtes-vous demandé quelle mouche m’avait piquée pour que j’ose, ainsi, publiquement, clamer que je m’aime à tout vent? Que s’est-il passé? La tête m’aurait-elle enflé durant le nuit? Le nombril grossi? Je ne veux pas paniquer, mais ça pourrait dégénérer.

Imaginez qu’il me prenne l’envie de lancer un défi à Justin dans un triathlon de selfies... Zut! Je n’ai pas de sari!

J’existe, oui. Mais suis-je vraiment vivante?
En fait, ce n’est ni une question de tête enflée ni de nombril démesuré et je suis allergique aux selfies. Non, ce qui s’est passé, c’est qu’en préparant ce dossier, j’ai réalisé que j’avais passé la majeure partie de ma vie à m’ignorer. Alors, dites-moi, comment être la meilleure amie de quelqu’un qui, pour nous, n’existe pas?

En réalité j’existe, c’est-à-dire que je suis physiquement là. Je ne pourrais pas avoir trois enfants, être mamie de cinq, bientôt six, et produire ce magazine depuis 18 ans sans exister. Mais est-ce que j’ai toujours été vraiment consciente que derrière tout ce que je faisais, j’étais? Non!

La valse du faire pour plaire
Saviez-vous qu’à la naissance on ignore notre existence? Il faudra attendre deux ans avant de réaliser que sous cette belle petite peau rosée qui sent le paradis il y a un être humain qui joue sa vie? Au début, on existe seulement « dans » le regard de nos parents et on va tout faire « pour » être aimé. Ce qu’ils diront de nous deviendra ce que nous penserons de nous comme autant d’étiquettes accolées auxquelles nous allons adhérer.

Cette valse du « faire pour plaire » va ensuite se transposer sur nos professeurs, nos ami(e)s, nos amours, nos employeurs et même sur de purs inconnus rencontrés dans la rue. On va tout faire « pour » que « dans » le regard de l’autre on se sente aimé et pour qu’ainsi on ait la « sensation » d’exister.

Quand le jeu devient plus important que le joueur
Mais pendant toutes ces années, à force de « faire pour plaire », ou pour ne pas déplaire, on finit par oublier l’être humain qui joue encore sa vie aujourd’hui. On en vient à être tellement, mais tellement préoccupé par la partie qui se joue, qu’on oublie la personne qui la joue… Nous!

On gagne notre vie. On gère les soucis. On dit trop souvent oui. On protège notre famille des intempéries et, pour ça, on ne s’économise pas. Comme un jongleur à qui on aurait donné plus de balles qu’il ne peut en faire valser et qui, pour ne rien échapper, met sa propre balle de côté, on oublie que derrière tout ce que l’on fait, on est…

Nous sommes la réussite que nous cherchons à atteindre
Quand on donne à ce que l’on vit, ou aux personnes avec qui on le vit, plus d’importance qu’à nous-mêmes, l’oubli de soi devient temporairement un paravent qui nous permet de continuer d’avancer sans trop se questionner. C’est comme si nous étions une maison dont l’extérieur a priorité sur l’intérieur. Par beau temps c’est génial, mais en pleine tempête avec un mercure qui descend sous les 30 degrés, subitement on peut avoir le gout de rentrer. Saurons-nous seulement par où passer?

C’est à ça que servent les tempêtes de la vie… En faisant tomber les châteaux de cartes qu’on s’est construits, elles viennent nous dire que rien de ce que l’on fait ne sera jamais plus important, plus glorieux ou plus prestigieux que la personne que l'on est et que d’investir dans le superficiel (la partie qui se joue) en oubliant l’essentiel (nous), ce n’est pas un placement à haut rendement.

Parce que je m’aime, je…
Parce que je m’aime, c’est un exercice que ma fille Catherine m’a enseigné il y a quelques années. Quatre petits mots qui, placés devant ce que je m’apprête à faire, viennent me rappeler que sans moi, le faire n’existe pas. Non pas l’inverse. En les prononçant, je vais savoir si ce que je m’apprête à faire est bon ou pas pour moi. Fini de faire juste pour plaire. On essaie?...

Parce que je m’aime… Jamais je ne lancerai un défi à Justin dans un triathlon de selfies, avec ou sans sari.

 

Lucie Douville, Éditrice et Rédactrice en chef

Version intégrale du texte dans le numéro où est paru cet article

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