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DOSSIER : Analphabète émotionnel, moi? Oui, je l’ai déjà été! Rencontre avec Jasmin Roy

DOSSIER : Analphabète émotionnel, moi? Oui, je l’ai déjà été!  Rencontre avec Jasmin Roy

« Un des plus grands plaisirs de la vie, c’est de se sentir utile en aidant les autres. Et pour cause, notre nature profonde est bienveillante. Celle-ci excelle lorsque nous sommes en harmonie avec nous-mêmes et que nous nous efforçons de nous occuper aussi bien de nous que des autres. » Jasmin Roy

Par Marilyne Petit, conférencière, auteure et coach professionnelle


Lorsque j’ai demandé à Jasmin Roy ce qu’était pour lui la bienveillance, il m’a répondu sans hésitation que c’est avant tout de bien prendre soin de soi pour ensuite être en mesure de bien prendre soin des autres. Pour lui, si avoir de saines habitudes de vie c’est important, comme de bien manger, bien bouger, bien respirer, bien se reposer, avoir de saines habitudes de vie émotionnelle et relationnelle, c’est tout aussi important, sinon plus!

Curieux d’en savoir plus? Je vous invite donc à ce rendez-vous vers un mieux-être global, corps, cœur, âme et esprit!

Pourquoi ton anxiété a-t-elle atteint son apogée à 27 ans?
C’était à l’époque où je jouais dans Chambres en ville. On avait organisé une tournée dans les écoles et, devant tous ces jeunes assis dans les grands auditoriums, je me suis mis à avoir des bouffées de chaleur, des malaises, de la difficulté à gérer mes idées. J'ai l'impression qu’à ce moment-là mon corps et mon cerveau ont fait une association avec une situation que j’avais déjà vécue et tout s’est déclenché, sans doute par mécanisme de défense. 

J’ai vécu là les années les plus difficiles de ma vie. J’avais peur de devenir fou. J’étais incapable de me sentir en confiance. C’est ça l’anxiété, tu n'es juste pas capable... À un moment donné, il faut que tu mettes en place des stratégies ou que tu te fasses aider pour t’en sortir.

Est-ce à partir de là que tu t'es intéressé à l'univers des émotions?
Oui. J’ai fait une psychanalyse qui a duré cinq ans. Ce travail sur moi m’a permis de rassurer des trucs en moi, de changer des habitudes que j’avais prises étant jeune. La psychanalyse m’a beaucoup aidé, et la gestion de ses pensées est tout un défi pour les personnes qui ont des personnalités anxieuses.

Car plus tu alimentes tes pensées et tes peurs, plus tu augmentes ton stress et si tu es stressé, tu vas stresser les gens autour de toi. On peut aussi s'autocontaminer les uns les autres, par exemple si je suis en colère et que j’en parle à tout le monde, ou encore si je partage les multiples scénarios catastrophes que je m’invente, je me contamine et je contamine mon entourage. Tout ça ne fait qu’empirer la situation. Aujourd’hui, lorsque ça arrive, ça dure moins longtemps, car j’ai appris à gérer mes pensées. Je retrouve donc mon calme plus rapidement. 

Tu parles de l’alphabétisation des émotions et des besoins. Qu’entends-tu par là?
C’est être capable de faire la lecture de soi, c'est-à-dire de se lire et de dire ce que l’on ressent; c’est d’être capable de nommer ses émotions, par exemple : « Comment je me sens? Pourquoi je me sens ainsi? De quoi ai-je besoin? Quelle est la solution? »

Une fois que tu as fait la lecture de tes émotions, il faut ensuite que tu voies comment tu les gères. Je dis souvent à la blague que Janette Bertrand a fait un super travail en nous invitant à exprimer nos émotions. Aujourd’hui j’ajoute : « Exprime-les, oui, mais gère-les aussi! » Mais mettre des mots sur ce que l’on ressent n’est pas toujours facile dans une société qui refuse l’expression de nos états d’âme…

Le savoir-être devrait-il être enseigné avant le savoir-faire?
Je pense que les deux vont de pair. Une récente étude a démontré que ce qui rend l'être humain heureux, c'est la qualité de ses relations sociales. Cette étude dit aussi que les gens heureux sont 55 % plus créatifs et 31 % plus productifs. Donc, plus nous allons travailler à créer des liens avec des jeunes dans nos milieux scolaires, plus on va favoriser un apprentissage fluide et naturel.

Comment différencier l'intelligence émotionnelle de l'intelligence intellectuelle? 
Le QI va plafonner un jour tandis que l'intelligence émotionnelle, elle, peut se développer tout au long de notre vie. D'ailleurs, ça me rappelle une étude qui relatait le fait que les médecins qui réussissaient moins bien académiquement, mais qui avaient de très bonnes compétences relationnelles, étaient de meilleurs médecins que ceux qui réussissaient mieux sur le plan académique. Dans nos sociétés, on met malheureusement beaucoup trop l'accent sur la partie académique en oubliant que les compétences relationnelles sont aussi importantes, sinon plus.

Quelle est ta définition de la bienveillance?
La bienveillance, c’est la capacité de porter attention à soi, de poser des gestes concrets pour prendre soin de soi, de reconnaitre et répondre à ses besoins, d’entretenir une image positive et d’avoir de belles paroles envers soi. Ensuite, c’est de reproduire tout ça pour nos semblables.

Je pourrais résumer ainsi : c’est de bien prendre soin de soi pour mieux prendre soin des autres. Être bienveillant envers soi c’est aussi reconnaitre notre valeur et être en mesure de l’exprimer à l’autre. La bienveillance doit devenir une façon d’être qui nous permet d’encourager et d’entretenir la connexion avec soi-même et avec nos semblables, tout en ayant une bonne estime de soi.

Certains appelleraient ça de l’égoïsme. Comment renverser cette croyance?
Je pense que ça prend un certain égo pour pratiquer la bienveillance, car tu dois être capable d’appliquer pour toi d’abord ce que tu feras ensuite pour les autres. Donc, avoir une bonne écoute de soi pour avoir une bonne écoute de l’autre; répondre à nos besoins pour aider l’autre à mieux répondre aux siens; apprendre à être son meilleur ami et avoir une conscience juste de soi.

Version intégrale du texte dans le numéro où est paru cet article

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