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DOSSIER : Nous sommes nés pour être LIBRES ! Dzogchen Ponlop Rinpoché

DOSSIER : Nous sommes nés pour être LIBRES !           Dzogchen Ponlop Rinpoché

Ah! l’éveil. Un tout petit mot qui turlupine tous ceux et celles qui ont entrepris un jour une démarche spirituelle, qui cherchent à donner un sens à leur vie. L’éveil représente un état auquel on aspire dès le moment où on apprend son existence. Un état qui nous semble inaccessible puisqu’on se dit que seuls les grands maitres peuvent y parvenir au terme d’un long parcours.

Par Sylvie Lauzon, Journaliste

Ne parle-t-on pas dans la plupart des livres sur le sujet de la voie de l’éveil? Est-ce qu’il faut nous isoler dans une grotte pendant des semaines sans manger ou encore grimper la plus haute montagne sans oxygène pour l’atteindre?

Non, pas du tout!

Juste là, sous notre nez
Et si au contraire, l’éveil ne se trouvait pas au bout de la route, mais juste là sous notre nez, et qu’il nous était accessible en tout temps. C’est en prenant conscience, en nous reconnectant à nous-mêmes et en nous éveillant, que nous pouvons nous épanouir, laisser l’angoisse et le stress au placard, et VIVRE dans le vrai sens du terme.                                   

Dzogchen Ponlop Rinpoché est l’un des maitres bouddhistes les plus érudits de sa génération. Déjà, avant même sa naissance dans un petit village du nord de l’Inde, on le savait la 7e incarnation d’un grand maitre bouddhiste tibétain de la lignée des Dzogchen Ponlop. Ses premiers pas dans la vie ont été tout, sauf ordinaires.

Dzogchen Ponlop Rinpoché vit non seulement à Seattle, où se situe le centre principal de Nalandabodhi, mais aussi à Taipei, où vit sa famille, soit sa femme et sa fille. Comme il possède la citoyenneté canadienne pour avoir vécu quelques années à Vancouver, il a aussi ouvert un centre de méditation à Montréal, le centre Nalandabodhi Montréal, où il enseigne un bouddhisme actuel et contemporain. Ce que ce grand maitre veut exprimer, c’est qu’aujourd’hui, nous ne manquons ni d’informations ni de connaissances. Ce dont nous avons besoin par contre, et par-dessus tout, c’est d’un esprit capable de les traiter, d’un esprit capable de saisir les opportunités, d’un esprit éveillé.

NAITRE LAMA RÉINCARNÉ

C’est le 16e Karmapa, l’un des chefs spirituels du bouddhisme tibétain, qui est venu annoncer aux parents de Dzogchen Ponlop Rinpoché, quelques mois avant sa naissance, que leur enfant serait un lama réincarné. Le Karmapa l’a reconnu à ce moment-là comme la réincarnation d’un grand maitre du bouddhisme tibétain. Il a été intronisé en tant que tel dès l’âge de trois ans et fut ordonné moine novice à neuf ans. Une enfance bien différente de celle des autres enfants de son âge.

Il a grandi dans le silence d’un monastère où on lui a transmis les préceptes de la tradition bouddhiste. Pourtant, Dzogchen Ponlop Rinpoché se dit un homme comme les autres. Il déclare avec humour que de toute façon nous sommes tous la réincarnation de quelqu’un même si ce n’est pas celle d’un grand maitre bouddhiste. Enfant, il se souvient avoir lui aussi ressenti la pression de devoir performer. Voici ce qu’il m’a raconté :

« J’avais surtout le sentiment d’être traité différemment. On était plus sévère à mon endroit. Je me suis vite rendu compte que je n’étais pas meilleur que les autres. J’ai aussi ressenti beaucoup de pression en tant que jeune adulte. La pression venait du fait que je devais me familiariser et développer cet état de compassion et de bonté propre à mon rôle. Grandir et devenir adulte n’est facile pour personne. La route est la plupart du temps parsemée d’obstacles. Je ressentais la pression exercée par mes maitres et aussi par ma famille, et parfois je me disais que je n’y arriverais pas. »

C’est à l’âge de 14 ans qu’il découvre l’Amérique lors d’un voyage qu’il fait avec son maitre au Canada et aux États-Unis, le 16e Karmapa ayant été invité à venir enseigner et transmettre ses connaissances en Amérique. C’est à ce moment-là qu’il a rencontré l’Occident et qu’il a eu envie de partager et d’intégrer le meilleur des traditions et des sagesses ancestrales bouddhistes à cette culture postindustrielle occidentale qu’il découvrait et qui était bien différente de l’univers dans lequel il avait grandi. Je lui cède ici la parole…

RINPOCHÉ SIGNIFIE PRÉCIEUX

Rinpoché signifie précieux, dans le bon sens du terme, puisque d’incarnation en incarnation les maitres bouddhistes transmettent compassion et sagesse et nous guident vers la pleine conscience. Ultimement, nous ne pouvons qu’être nous-mêmes. Pourtant, nous passons beaucoup de temps à nous créer des personnages qui ont de la valeur à nos yeux. Nous devons adopter toutes ces personnalités pour « être quelqu’un ». On apprend à être professionnel, mais encore plus à avoir l’air professionnel. Il nous faut ressembler à la norme, aussi inaccessible soit-elle.

Quand on vit dans la confusion et la peur, nous ne distinguons plus clairement qui nous sommes réellement. Difficile alors de montrer la porte à nos illusions. Si nous arrivons à réaliser que nous sommes plus que nos perceptions, nous toucherons alors à la pleine conscience et notre esprit commencera à s’éveiller.

QUI NE CHERCHE PAS NE TROUVE PAS!

Nous naissons tous éveillés. L’état d’éveil est la nature même de notre conscience. Si on perd le contact, c’est que nous finissons par croire que l’éveil est un but à atteindre, qu’il s’agit de quelque chose qui se trouve à l’extérieur de nous-mêmes. Pourtant, l’éveil est accessible là, tout de suite. Chacun peut y arriver dans l’instant. Pour devenir éveillés, nous devons nous familiariser avec notre esprit. Il nous faut donc créer l’espace nécessaire à la reconnexion avec nous-mêmes. J’essaie de renouer avec cet espace le plus souvent possible. Je m’y sens bien et libre.

En nous éveillant, nos conflits intérieurs deviennent moins pressants. Nous nous libérons de l’anxiété et de la souffrance qui nous habitent. L’état d’éveil nous permet de constater que ce qui nous fait souffrir le plus ce ne sont pas tant les évènements de nos vies, mais les drames qu’ils deviennent dans notre esprit. Quand on cultive l’éveil, on arrive à transformer la souffrance en quelque chose de positif et à changer la fin de l’histoire. On peut transcender la confusion qui nous habite et commencer à voir qui l’on est véritablement.

SE REBELLER CONTRE SOI-MÊME

Qui sommes-nous? Que cherchons-nous? Toutes ces questions se perdent bien souvent dans l’agitation de nos vies. Que dire des réponses? Alors que nous avons l’impression d’être tellement connectés au monde grâce à nos téléphones, tablettes et ordinateurs, nous le sommes de moins en moins avec nous-mêmes. Créer l’espace nécessaire pour cultiver l’éveil nécessite d’apprendre à être pleinement présent et aussi à diriger notre attention. Apprécier le repas que l’on est en train de prendre plutôt que de penser au suivant en même temps; écouter la personne qui nous parle plutôt que de penser à ce que l’on dira à la réunion de l’après-midi.

L’esprit dérive naturellement. Nous devons en prendre conscience et apprendre à le rappeler à l’ordre. Apprendre à prêter entièrement attention, à réellement entendre ce qu’une personne de notre entourage est en train de dire. Prendre conscience de la gravité des gestes qu’on s’apprête à faire afin de pressentir la crise qui pourrait arriver à changer le cours des évènements.

Il nous faut prendre soin de notre esprit comme l’on prend soin de son apparence, et préparer le terrain. Se familiariser avec son esprit c’est un peu comme dresser un cheval sauvage. Il faut d’abord l’apprivoiser, puis être encore avec lui chaque seconde de son entrainement. Commencer et recommencer. Puis, il y a ce moment magique. Cet instant sublime où le cheval et son entraineur ne font plus qu’un. Ce moment où l’animal, loin de se soumettre, dit plutôt à son maitre : je suis avec toi, continuons ensemble. C’est ça l’éveil.

Devenir conscient et éveillé implique également de devenir responsable. Il nous faut réexaminer notre contexte culturel et le statuquo de nos vies, mettre nos illusions à la porte. Ne plus nous laisser piéger par nos schémas habituels. Nous questionner sur notre perception de nous-mêmes et du monde. Il n’y a rien d’absolu sur cette planète. Tout peut changer. Nous pouvons changer.

STOP, ON ARRÊTE ICI MAINTENANT…

À quoi pensez-vous, que ressentez-vous? Lisez-vous ces quelques lignes avec attention, ou avez-vous l’esprit ailleurs? Si c’est le cas, changez de paradigme et laissez votre statuquo aux oubliettes. Vous êtes sur le point de vous rebeller.

Nous devrions nous demander plusieurs fois par jour ce que nous ressentons. Dans quel état d’esprit nous nous trouvons? Pour y arriver, il suffit de s’assoir quelque part, de prendre une pause, et de regarder défiler le film de nos pensées, sans à priori. Êtes-vous bien sûr d’aimer le scénario qui se déroule sous vos yeux? En éduquant notre esprit, on s’éveille. En méditant, on s’unit à lui.

L’objectif de ces pauses est de calmer l’esprit afin de découvrir quelles sont nos véritables questions. Toutes ces questions sont liées à quelque chose que l’on sait déjà. Une fois l’esprit apaisé, une question en amènera une autre jusqu’à ce que notre compréhension grandisse et devienne plus claire. Nos réponses seront aussi plus riches de sens pour nous.

Au fil du temps et des occasions, notre esprit nous deviendra plus familier. C’est à force de répétitions que l’on arrivera non seulement à nous reconnecter à nous-mêmes, mais également à être pleinement conscients de plus en plus souvent et longtemps. Nous verrons au-delà du moi culturel, ce moi modelé par les dictats de la société dans laquelle on vit. Finalement, nous pressentirons notre véritable identité.

Rappelez-vous combien il a fallu de pas à votre enfant avant de marcher sans tomber. L’enfant apprend à force de reproduire les mêmes gestes. Il marche, il tombe, oups… une petite pause, le temps de récupérer, et il se relève. L’enfant ne se demande jamais s’il a bien placé son pied ou si son équilibre sera meilleur s’il se sert de ses bras. Il ne se demande pas non plus s’il tombera encore. Il marche, il tombe, et il recommence tout simplement.

Prendre une pause c’est comme prendre une respiration profonde. La planète est en manque de pauses. Pourtant ces quelques secondes peuvent faire toute la différence. Actuellement, il nous faut bouger rapidement, agir rapidement, performer. Nous n'arrêtons pratiquement jamais. Nous retenons notre souffle. Nous n’avons plus de patience. Nous encourageons et privilégions la gratification instantanée. Beaucoup de choses prennent du temps à se réaliser. En espérant tout obtenir dans la seconde, on se condamne à souffrir longtemps et souvent.

DÉCONSTRUIRE AVANT DE RECONSTRUIRE

Hors de la rivière, l’eau a besoin d’un contenant pour se tenir. Si on porte trop d’attention au contenant, il se peut que l’on oublie de boire. Proverbe bouddhiste

 L’égo est un énorme sujet. Nos égos sont bien souvent responsables de nos échecs, de nos conflits internes et de notre souffrance. L’égo considère que nous lui appartenons. Il parle de : mon corps, mes pensées, mes émotions, mes valeurs, ma maison, ma famille, mes amis et mes biens. Le monde de l’égo semble en parfait équilibre. Pourtant, la plus grande fable que nous nous racontons est celle de notre identité.

Enquêtons sur nous-mêmes. Est-ce que cette histoire que notre égo nous raconte nous ressemble et nous apporte la plénitude? Apprenons à départager le vrai du faux. Débarrassons-nous des couches de notre moi égocentrique qui ne sont pas nécessaires, de ce qui ne nous a jamais servi positivement. À la base, l’égo nous parle de ce que nous croyons être ou de ce que nous croyons avoir besoin. Nous sommes bien plus que ça.

Pour déjouer l’égo, commençons par changer nos scénarios et faisons de petits gestes porteurs de grandes transformations. Le mouvement Go Kind est un bon exemple de petits gestes qui peuvent provoquer de grands bouleversements positifs. Ce mouvement encourage les individus à sortir des sentiers battus, à abandonner leurs étiquettes personnelles et à accomplir des gestes de bonté. Ça peut être aussi simple que de faire rire ou sourire une autre personne ou de tenir la porte à un inconnu. Il ne faut que quelques secondes pour changer l’humeur de quelqu’un et transformer sa journée, et la nôtre. À la fin de l’exercice, c’est la planète entière qui sourit.

Cultiver notre motivation est particulièrement important. Chaque matin au réveil en prenant quelques minutes, avant même que notre égo n’ouvre les yeux, on peut se demander ce que nous allons poser comme geste pour amorcer un changement positif autour de soi. Nos inspirations matinales peuvent bel et bien être un avantage pour tout le monde de la même manière que le bruissement des ailes d’un papillon en Chine peut déclencher une tempête au Texas.

ATTEINDRE NOTRE DESTINATION

Pour les bouddhistes, la puissance des émotions est telle qu’elle peut faciliter notre éveil. Nos émotions sont en fait le fil conducteur qui peut nous permettre de nous reconnecter avec qui nous sommes. Nos émotions ne sont pas par nature négatives. L’égo se joue de nous et de nos émotions pour en faire très souvent une musique discordante. Ça n’a pas besoin d’être comme ça.

Arrêtons de blâmer les autres pour ce que nous ressentons. Nos émotions sont là, elles existent, elles nous appartiennent. Nous devons apprendre à comprendre ce que nous ressentons, à nous approprier ces fragments de compréhension. La tendance que nous avons à rendre les autres responsables ne nous est pas utile. Par exemple lorsque nous conduisons notre voiture en pleine heure de pointe que sommes-nous portés à faire? À regarder l’autre conducteur et à le critiquer sur sa conduite plutôt que d’observer la nôtre. Il est probable que nous soyons en partie responsables de la mauvaise manœuvre qui vient de se produire.

Imaginez la scène suivante : vous êtes au travail, et tout à coup une émotion vous envahit. Vous ne savez pas trop de quelle nature elle est, vous êtes confus. Si vous observez le statuquo, votre esprit part en vrille et l’inquiétude vous envahit. Vous ne vous sentez pas bien. Voici ce que ferait votre Bouddha rebelle. Il se saisirait littéralement de l’émotion en question et la ressentirait. Il la placerait devant lui, à une distance suffisante pour continuer à l’observer tout en demeurant détendu. Pendant toute l’opération, il n’oublierait pas de respirer, c’est crucial. C’est à ce moment qu’il pourrait choisir de réécrire la fin de son film comme il l’entend.

Devant une situation déconcertante ou inhabituelle, notre esprit éveillé nous permet de choisir une autre issue plus bénéfique pour nous. On peut, par exemple un matin, décider consciemment de transformer l’irritabilité ressentie et d’effectuer un changement d’attitude. Il va sans dire qu’on parle ici de deux journées qui vont se dérouler de manière bien différente.

LAQUELLE VOUS APPORTERA LE PLUS?

La science a encore beaucoup de chemin à faire afin de bien comprendre la nature de la conscience et de la pensée humaine, ainsi que le rôle des émotions dans notre perception de la réalité. Nos émotions sont malgré tout d’une grande puissance et peuvent devenir des moteurs de changements importants. Des recherches en Californie ont démontré qu’il faut trois émotions positives pour neutraliser une seule émotion négative. Notre contexte culturel nous conditionne à focaliser sur les éléments négatifs. De tout temps, les êtres humains ont trouvé une sorte de satisfaction à regarder souffrir les autres. Il n’y a qu’à regarder les palmarès des sujets les plus recherchés sur le web pour s’en rendre compte. Cultiver le positivisme n’a rien de négatif, c’est plutôt essentiel.

Nos sociétés sont de plus en plus violentes et se nourrissent d’émotions négatives. Pourtant, cette violence ambiante n’est que temporaire ou cyclique, comme tout ce qui se passe sur la planète. Nous croyons avoir évolué avec les siècles. Par exemple, nous croyons dur comme fer qu’il existe moins de discrimination qu’avant, que nous avons évolué, alors que nous inventons constamment de nouvelles discriminations sur de nouvelles bases, comme les salaires et la performance par exemple. La discrimination change de visage, le monde change de visage, il nous appartient de transformer le nôtre.

Sur le parcours de la transformation, la vigilance est notre alliée. C’est la vigilance, qui à force de pratique, nous permettra de voir que notre esprit vagabonde après un moment de conscience. C’est notre vigilance qui nous fera retrouver le chemin de la conscience chaque fois que notre esprit aura envie d’être ailleurs. Si nous voulons demeurer conscients et rester attentifs à l’expérience que nous vivons, nous devons développer à la fois conscience et vigilance.

SUR LA ROUTE DE LA LIBERTÉ

On se dit parfois : Trop, c’est trop. Je ne vais plus me laisser piéger par cette situation.

Quand vient le temps de la transformation, il faut prendre en considération notre peur du changement. Il nous faut trouver l’équilibre entre notre peur du mouvement et le mouvement lui-même parce que tout bouge vite, ajoutant à notre confusion. Quand on ressent le besoin urgent de bouger, il est préférable de s’arrêter quelques instants, de faire une pause, de prendre pleinement conscience de la situation et des émotions qu’elle soulève en nous. Observons ce qui se passe à l’intérieur, ce que nous ressentons. La plupart du temps, nous essayons de réduire nos expériences à quelques mots. On crée ainsi des concepts qui, loin de représenter la réalité, réduisent et banalisent ce que nous vivons, et ne nous aide pas du tout.

La liberté est un bon exemple d’un sentiment réduit à l’état de concept. Avoir la liberté de parole, n’en faire qu’à sa tête selon ses envies, avoir de l’argent à profusion, ne plus avoir à rendre de comptes à qui que ce soit, voilà comment on imagine la liberté. Mais, être libre est-ce que ce ne serait pas plutôt ce que l’on ressent une fois libéré de nos conflits intérieurs, de nos angoisses et de nos souffrances? Être libre ce ne serait pas plutôt se libérer de notre moi égocentrique afin de moins ou de ne plus souffrir?

Les récits de mon enfance racontaient l’histoire de guerriers à la fois bons et courageux. Des guerriers qui savaient faire preuve de compassion. Des guerriers qui comme le Bouddha rebelle marchaient sur le chemin de la liberté. Est-ce que j’ai l’impression que mon enfance monastique m’a privé de quelque chose? Non, les circonstances de la vie de chacun font que l’on expérimente certaines choses et d’autres pas. On ne peut faire l’expérience de tout au même moment. Enfant, je n’ai pas connu l’expérience de faire partie d’une équipe de baseball, l’enfant d’ici lui n’a pas vécu celle de faire son apprentissage aux côtés d’un maitre bouddhiste. Ce sont deux enfances différentes, deux expériences différentes.

SORTIR DE SON STATUQUO ET POURSUIVRE SA PASSION

Dzogchen Ponlop Rinpoché vit aujourd’hui à Seattle aux États-Unis avec son épouse et leur fille. Surprenant, direz-vous! Peut-être pas tant que ça. Dzogchen Ponlop Rinpoché marche lui aussi sur le chemin de la liberté. Quitter son pays d’origine et la vie monastique pour se retrouver en Amérique lui a permis de sortir de son statuquo et de poursuivre sa passion : actualiser le bouddhisme et en faire une pratique actuelle adaptée au monde moderne. En sortant de ses propres sentiers battus, Dzogchen Ponlop Rinpoché s’inscrit lui aussi dans la tradition du Bouddha rebelle :

« J’ai été moine, je suis maintenant mari et père. J’expérimente ce que la majorité des humains vivent au quotidien. Ça me permet de mieux comprendre la réalité de millions d’individus, leurs difficultés et leurs défis. J’ai transmis mes expériences et mes connaissances sur le bouddhisme toute ma vie, mais être parent est bien différent. Les enfants nous observent et apprennent par l’exemple. Il semble que ce qui monopolise l’attention des parents d’aujourd’hui c’est ce qu’ils ne doivent pas faire plutôt que ce qui doit être fait. »

« Pour préparer l’avenir, nous devons voir où nous en sommes actuellement; autrement dit, il nous faut examiner notre propre culture. Il n’y a pas que les autres qui ont des habitudes, des coutumes et des points de vue. Nous devons voir que la culture existe des deux côtés. Que nous venions du côté américain ou asiatique, nous sommes comme des poissons dans l’océan. Les poissons voient tout ce qu’il y a dans la mer, mais ils ne se voient pas eux-mêmes non plus que l’eau dans laquelle ils nagent. De même, il nous est facile de remarquer les coutumes et les habitudes des autres, mais nous restons aveugles aux nôtres (notre statuquo). En devenant plus conscients de notre environnement culturel, nous commençons à comprendre comment nous organisons notre monde. Nous commençons à comprendre comment nous construisons mentalement la culture et l’identité et comment l’esprit étiquète tout et lui imprime des valeurs. Lorsque nous saisissons ce rapport, nous voyons l’eau : l’éveil impartial dans lequel baigne notre expérience. » Extrait du Bouddha rebelle : sur la route de la liberté.

Quand, juste avant sa mort, ses disciples ont demandé à Bouddha comment ils devaient perpétuer ses enseignements, il leur a répondu que la communauté bouddhiste se devait d’évoluer en conformité avec les temps et la société. C’est la voie que Dzogchen Ponlop Rinpoché a choisie de poursuivre :

« De nos jours, les gens ont l’impression qu’ils n’ont pas le temps de faire une pause, de pratiquer la méditation, même si un bref moment de pratique quotidienne peut avoir des effets très positifs. On peut s’assoir pour méditer partout, dans un parc, dans le métro ou pendant qu’on attend notre correspondant au téléphone. Trouvez ce qui vous convient, et ne faites que ce qui vous réussit. Relaxez, savourez et faites preuve de compassion. Faites de cet instant et de tous ceux qui suivront des moments inoubliables. Vous êtes nés pour être libres. »

Version intégrale du texte dans le numéro où est paru cet article

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