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MON DOC ET MOI : Le stress, ennemi ou allié? À vous de décider! 1e partie

MON DOC ET MOI : Le stress, ennemi ou allié? À vous de décider!  1e partie

On peut se le dire, le stress n’a pas vraiment une bonne cote dans notre société. Pourtant, aurions-nous oublié qu’il nous a sauvé la vie à maintes reprises, permettant à notre espèce d’évoluer et de survivre depuis des millions d’années? 


Par Dre Catherine Bouchard

Alors comment en sommes-nous venus à dire que le stress est mauvais, que nous devons l’éliminer à tout prix, que nous devons éviter les stresseurs dans notre quotidien? Et comment expliquer que plus de 75 % des gens souffrent de symptômes reliés au stress?         

Et si le problème n’était pas le stress en soi, mais plutôt notre compréhension de celui-ci? Et si une partie de la solution se trouvait dans un certain « travail d’équipe » avec cette magnifique réaction qu’est le stress!

Le stress… Magnifique?
Car oui, le stress peut être magnifique. Outre de nous sauver la vie, le stress est impliqué dans les réactions d’hormèse. L’hormèse est un processus par lequel un organisme soumis à de faibles doses de stress développera une résilience et pourra même devenir plus fort. C’est de cette façon qu’on développe nos muscles lors de l’apprentissage d’un nouveau sport.

Un autre bon exemple est celui de tous les bénéfices associés lors du stress thermique en pratiquant la technique de Wim Hof. Cette technique, qui consiste entre autres à l’exposition au froid, confère au corps d’importants bénéfices sur le plan de l’immunité, du métabolisme, du sommeil, de la balance hormonale et plus encore.

Alors, comment utiliser le stress à notre avantage et éviter que ses effets ne puissent devenir délétères? Tout d’abord, il est important de comprendre son rôle et comment notre corps fonctionne en situation de stress.

Vous avez dit sympathique?
Le corps possède deux « modes » de fonctionnement qui doivent s’équilibrer et s’harmoniser : le système nerveux sympathique et le système nerveux parasympathique. Ces systèmes vont réguler simultanément plusieurs fonctions du corps afin d’optimiser la réponse du corps au besoin manifesté.

Le premier système est responsable de la réponse au stress. Il prépare l’organisme et orchestre la réponse par la fuite ou le combat. Très utile face au danger – comme lors d’une rencontre surprise avec le lion ou lors du désir de tuer le mammouth pour la subsistance –, le système nerveux sympathique entraine une accélération du rythme cardiaque et respiratoire, une dilatation des pupilles et une augmentation de la transpiration. L’énergie du corps est mobilisée, la force ainsi que la tension musculaire sont activées pour favoriser les chances de fuir le prédateur ou de rapporter le produit de la chasse à mettre sur la table de l’homme des cavernes.

Pour adapter ce concept à une ère plus actuelle, cette activation des mécanismes physiologiques nous permet d’éviter l’accident de voiture de justesse ou de courir vers l’enfant pour lui éviter de se bruler en touchant la casserole sur le feu. Simultanément, afin d’optimiser la réponse de combat ou de fuite, le corps va diminuer les fonctions moins utiles pendant la période de stress comme les fonctions de digestion et toute la sphère des activités reliées à la reproduction et la sexualité. Vous comprendrez que cet état, aussi essentiel soit-il, utilise beaucoup d’énergie.

Un repos bien mérité…
À l’inverse, le système parasympathique est responsable d’équilibrer les autres fonctions vitales lorsque la situation stressante se sera finalement calmée. Le corps sera alors disposé au repos et la digestion et les fonctions sexuelles seront à nouveau activées. Ceci se traduira par une diminution de la tension artérielle, du rythme cardiaque et respiratoire ainsi qu’une détente musculaire. Le corps sera aussi disposé à la réparation cellulaire et à la guérison.

Ces mécanismes sont régulés par ce que l’on appelle l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien. Tout commence dans une zone du cerveau appelée l’hypothalamus. C’est la zone de contrôle qui communique avec tout l’organisme via le système nerveux autonomique qui, lui, est le responsable des fonctions involontaires de l’organisme telles que la respiration, les battements cardiaques, la contraction des vaisseaux sanguins et des voies respiratoires.

Toutes ces fonctions sont régulées par la libération de messagers tels que le cortisol et les catécholamines (adrénaline, noradrénaline et dopamine) activant ainsi soit la voie sympathique ou parasympathique. Ce superbe équilibre permet donc de pouvoir réagir en cas de besoin, mais aussi de se reposer et se régénérer par la suite. Magnifique, non?

Mammouth en vue!
Le hic, c’est que ces mécanismes, si bien adaptés à l’ère de nos ancêtres des cavernes, n’ont pas évolué aussi vite que notre société l’a fait. Nos lions et nos mammouths sont devenus des échéanciers, du trafic, des déclarations de revenus (impôts) et des réunions « Zoom »!

Ainsi, un des problèmes est que nous activons notre système sympathique (défense, combat, fuite) pour des déclencheurs qui ne menacent pas « réellement » notre vie. Pensez au moment où vous rencontrez votre employeur qui vous annonce que votre poste sera peut-être supprimé… Votre cœur et votre respiration se sont emballés, vos muscles se sont tendus, votre transpiration s’est activée. Mais ces mécanismes ne vous ont malheureusement pas aidé ni à traverser cette épreuve ni à apaiser vos émotions.

Pour en rajouter un peu plus
Et si, juste après cette annonce difficile, vous avez reçu l’appel du directeur d’école de votre enfant qui vous annonce que votre petit dernier vient de faire une chute et qu’il s’est cassé un bras. Et si, en rentrant à la maison, un accident bloque la route et crée un trafic monstre vous immobilisant dans votre voiture pendant deux heures… Aucune fuite possible. Le corps encaisse le coup.

Il est aussi fort possible, qu’avec le temps, la simple vue de la porte du bureau de votre employeur vous rappelle la menace de perte d’emploi; la simple sonnerie du téléphone vous fait craindre une mauvaise nouvelle…

De l’émotion à la réaction en chaine
La partie de notre cerveau qui est responsable de tout ça c’est l’amygdale, petite zone du cerveau qui est responsable de la mémoire et des émotions. Ces émotions, activées par la mémoire, activent à leur tour l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien, donc le système nerveux sympathique.

Bien que dans le contexte d’un stress psychologique cette réaction de l’amygdale nous semble inutile, ce mécanisme nous a aussi sauvé la vie dans d’autres contextes. Le bruit de la branche qui craque sous le poids du prédateur pendant la nuit a surement généré l’émotion qui a permis à l’homme de se rappeler qu’il était temps de fuir avant de se faire attaquer.

Et comme le corps et le cerveau aiment bien optimiser leur fonctionnement pour en assurer l’efficacité, le « chemin » qui active les mécanismes des stress en association avec des évènements ou même des pensées devient de plus en plus efficace. Il devient comme une « autoroute » qui provoque une activation de plus en plus rapide et de moins en moins consciente de ces réactions qui deviennent un peu comme des réflexes. Si bien que, même sans raison apparente, ce processus peut se mettre en branle, et ce, de façon de plus en plus fréquente.

Quand la surstimulation épuise
Vous comprendrez qu'à long terme, ce n’est pas bon pour le corps d’être soumis à l’activation répétée de tous les mécanismes du système nerveux sympathique. Rappelez-vous ses effets : augmentation de la tension artérielle, des battements du cœur, de la respiration, de la transpiration, tensions musculaires, diminution de la libido, insomnie… Vous vous reconnaissez dans ces symptômes?

Et le manque d’activation du système parasympathique, responsable de créer l’équilibre, engendre aussi des impacts : ralentissement de la digestion pouvant se traduire par des reflux d’acide, changements dans le transit intestinal, ballonnements; ralentissement de la guérison, de l’immunité, etc. Tout ça n’est pas fait pour durer! Le corps devrait pouvoir bénéficier d’un répit entre des épisodes de stress.

Le corps en quête d’équilibre
Heureusement, le corps est bon pour tenter de retrouver l’équilibre en toute situation. Il ne se laissera pas abattre, même lorsqu’il est soumis à une exposition chronique aux médiateurs de stress. Il va développer des mécanismes pour lui permettre de retrouver un certain équilibre, malgré les changements qui s’effectuent dans l’organisme, afin de mieux répondre aux demandes.

On appelle ce processus l’allostasie et l’impact de ces adaptations sur le corps est appelé « charge allostatique ». Elle se mesure par plusieurs paramètres sanguins et anthropométriques, soit des mesures permettant d'évaluer le corps : augmentation de la tension artérielle, désordres dans la sécrétion de cortisol, augmentation de la glycémie, prise de poids, etc.

Mais comme vous vous en douterez bien, malgré toute la bonne volonté du corps pour tenter de retrouver son équilibre, ces changements peuvent mener à des maladies telles qu’hypertension, surpoids, diabète, syndrome métabolique, mais aussi à une diminution de l’immunité secondaire due à une exposition chronique au cortisol.

Le cortisol, bon ou pas?
Le cortisol, sécrété par l’activation du système nerveux sympathique, est utile en période de stress aigus. Il permet entre autres la conversion des protéines et des gras en glucose, une énergie qui peut être utilisée rapidement pour fuir ou combattre. Il aura aussi un impact sur la régulation de l’appétit afin d’assurer les réserves du corps.

Cela se traduira non seulement par des fringales pour les aliments sucrés par exemple, mais aussi possiblement par un surpoids progressif qui pourra contribuer non seulement au développement de maladies comme celles citées précédemment, mais aussi au développement de mécanismes impliqués dans la maladie cardiovasculaire.

Enfin les vacances!
Le cerveau est particulièrement vulnérable à la charge allostatique aussi bien par l’impact qu’elle crée sur les neurotransmetteurs tels que la sérotonine, la dopamine, mais aussi par des altérations hormonales. Ces changements peuvent évidemment prédisposer aux maladies affectives telles que l’anxiété et la dépression, mais aussi aux désordres cognitifs.

Et qu’arrivera-t-il quant à la suite d'une longue période d’activation chronique des mécanismes de stress; quant au fait que le corps a développé des mécanismes compensatoires et trouvé un certain équilibre… quand tout à coup le stress tombe? Un séjour au spa, la fin d’un gros projet de travail, un voyage au soleil, des vacances bien méritées…

Quand le stress tombe
Avez-vous déjà remarqué que c’est souvent au début des vacances que la migraine survient, que les tensions musculaires dans le cou ou le dos réapparaissent, ou encore qu’un vilain rhume s’installe pour ne plus nous quitter. Nous qui attendions impatiemment ce moment pour nous détendre et en profiter…

La raison est bien simple : comme le corps avait créé son « équilibre » face au stress, il n’a pas pu accueillir aussi rapidement ce changement d’état. Pensez à l’image d’Atlas, ce dieu de la mythologie grecque condamné à soutenir la voute céleste sur ses épaules pour l’éternité; il est cambré sous cet énorme poids. Maintenant, imaginez qu’on lui enlève cette charge brusquement, sans qu’il s’y attende. En moins de deux, il va se retrouver le nez contre le sol.

Parlons-nous de stress
ou de réactions au stress?
Ainsi, vous aurez compris que ce n’est pas le stress le problème, mais bien l’activation répétée des mécanismes reliés à notre système nerveux sympathique, sans possibilité de période de repos et de réparation grâce au système nerveux parasympathique. Surtout quand ces mécanismes se mettent en place alors que les situations ne nécessitent pas la fuite ou le combat, seules actions pour lesquelles ils sont destinés.

Imaginez aussi toute l’énergie qui est mobilisée et non utilisée. Cette énergie non dépensée pourra souvent se manifester sous forme de colère ou d’irritabilité.

Quelle vision du stress nourrissez-vous?
Notre perception du stress, qu’elle soit positive ou négative, affecte aussi grandement l’impact qu’aura le stress sur notre santé psychologique et physique. Certaines personnes auront une vision positive du stress comme étant quelque chose qui nous invite à nous dépasser, à performer. D’autres verront le stress comme quelque chose à éviter à tout prix et ils verront l’agent stresseur comme l’ennemi numéro 1.

En psychologie, ce concept est appelé « stress mindset ». Plusieurs études ont évalué l’effet de la perception du stress de l’individu sur sa réponse à un évènement stressant. Les études sont claires! Une perception négative provoque une augmentation des médiateurs de stress et a un impact indéniablement plus important sur la santé physique et psychologique.

Ni bien ni mal
Ainsi, vous comprendrez que le stress en soi n’est ni bien ni mal; qu’il ne représente qu’un ensemble de réactions conçues pour répondre à un besoin; qu’il ne sert à rien de l’éviter à tout prix et que la solution se trouve plutôt dans notre compréhension de celui-ci. Cette compréhension nous permettra de mieux l’apprivoiser et de désamorcer les situations où s’activent les mécanismes physiologiques qui nous occasionnent souvent des inconforts. Facile à dire, me direz-vous? Mais par où commencer?

C’est ce que nous verrons dans ma prochaine chronique alors que je vous présenterai des trucs pour décortiquer les situations stressantes afin de les désamorcer. Je vous expliquerai l’importance de se libérer de toute l’énergie mobilisée par nos stress, comment changer notre « stress mindset » et surtout comment activer concrètement des mécanismes physiologiques pour calmer notre système nerveux sympathique.

D’ici là…
D’ici là je vous propose d’observer votre corps et vos pensées, sans jugement; de prendre un peu d’altitude quand votre cœur s’emballera, votre respiration s’accélèrera, quand votre transpiration s’accentuera ou que vos reflux acides reviendront. Réalisez qu’aucun mammouth ni lion n’est là… Puis respirez et revenez à l’instant présent. Ce petit exercice, aussi simple soit-il, vous aidera à retrouver l’équilibre et accueillir votre réaction de stress comme une alliée avec qui travailler et non comme un ennemi à éliminer à tout prix. À très bientôt!

 

Version intégrale du texte dans le numéro où est paru cet article

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